Appel à l'abstrait, Le Cercle des Poètes Disparus (1989) est une vision renouvelée de la vie, une évocation de ce à quoi on ne prête plus vraiment attention aujourd'hui.
Bien souvent les critiques ont considéré que, si le film était en effet réussi, il restait cependant d'une "naïveté enfantine", la société voyant dans la figure du rêveur les aspects les plus négatifs.
Passion et rébellion
Le rêveur, l'idéaliste, figure parallèle d'une époque rationnelle, comment le définir ? Ce serait "celui qui ne vit pas ou qui vit à côté" ; celui qui ne comprend pas que la vie est "quelque chose qu'il faut prendre au sérieux".
L'intrigue du film se situant dans une école prestigieuse pour "garçons" américaine, être idéaliste est donc quelque peu dépassé pour ces futurs grands médecins et avocats à qui on enseigne le commerce, les mathématiques, le droit et à qui on demande une discipline de fer. Cependant, M. Keating, nouveau professeur de lettres et ancien élève de l'école leur ouvre les yeux sur un concept inconnu chez ses jeunes hommes : l'Homme regorge de passion et si nous avons besoin de poésie au quotidien pour alimenter nos vies, c'est bien parce que nous sommes humains et que la nature profonde de l'être humain est aussi poétique.
C'est ainsi qu'il autorise et apprend (enfin) aux jeunes étudiants de l'école à penser par eux-mêmes. Penser par soi même peut être bien plus difficile que prévu, même et peut être surtout dans cette grande école, et c'est ce pourquoi il appelle à toujours voir les choses sous un autre angle, à questionner l'esprit, le monde, les règles établies.
Mais le plus important dans ce film est la place qui est donnée aux mots. Ils sont ici libérateurs, ils poussent à l'action et cela démontre que le rêveur et le penseur ne sont pas nécessairement voués à rester sur le côté. Ils sont les premiers à provoquer le changement, la création, héros d'un monde aveuglé et trop rapide.
"Mon nom est Nuwanda"
Cette œuvre ne nous permet pas seulement de nous évader, de penser momentanément à autre chose, non, elle repense la vie, remet au centre de tout la beauté, la poésie, l'art, la contemplation, non pas comme inaction mais au contraire comme un moyen de s'approprier le monde.
Le film est jalonné de poèmes et est imprégné d'un grand romantisme, tout particulièrement par ses dialogues, souvent pleins de sens, mais également dans les paysages bucoliques toujours présents d'une scène à une autre. (ce qui montre l'importance de la Nature chez les poètes)
Par ailleurs, il est significatif que ce soit dans une "école de garçons" que Mr. Keating (interprété par l'excellent et le regretté Robin Williams) enseigne. L'homme, a souvent été appelé à être viril, à ne pas s'épancher, à ne pas exprimer ce qu'il ressent, les sentiments étant depuis toujours associés à la figure féminine.
Il doit souvent jouer l'insensible, car être romantique, on le lui a dit, ce n'est digne d'un homme puissant. Pourtant, pour la première fois ces jeunes comprennent l'étendue de l'esprit humain et la force du sentiment. Ils sont libres.
Libres car ils peuvent enfin rêver. Pour la première fois, ces jeunes sortent du rôle qu'on leur avait attribué et comprennent la beauté du monde, ils la découvrent à travers les mots et l'écriture prend un goût délicieux, ils comprennent qu'il n'est pas ridicule d'aimer le théâtre, ou même d'aimer tout court. Surtout d'aimer.
CARPE DIEM
Le Cercle des Poètes Disparus témoigne d'une renaissance. S'arrêter et penser, c'est donc ce que propose ce film avec son célèbre « Carpe Diem ». Penser à ce que nous voulons, à ce que nous croyons, à ce que nous considérons comme acquis et nécessairement vrai. Penser aussi, beaucoup plus naïvement à l'amour, l'amitié, au futur et à la vie.
C'est rappeler par contraste, que la mort est au bout du chemin. Mais ce n'est pas un mal. Non, au contraire, c'est ce qui rend la vie plus belle, ce qui pousse ces « poètes » à « saisir le moment présent ». Comprendre qu'il y a une fin à cette fantastique pièce qu'est la vie humaine.
Nous pouvons constater aujourd'hui que la poésie n'est plus l'affaire que de quelques-uns et qu'elle semble même « en voie de disparition », que l'art lui même ne semble plus essentiel et touche seulement une minorité. Pourtant, ces activités inhérentes à notre humanité rendent tout son sens à la vie, et ce film est un hommage à la beauté, au sens des choses et du monde, un appel aux sentiments les plus purs de l'être humain et à la contemplation de la Nature. Il montre à quel point l'esprit, le partage et la création peuvent tout dépasser, même les règles terribles d'une société rigide et liberticide. La liberté d'une vie, le choix d'une mort, la prise de conscience que l'esprit humain est fort et infini. En attendant un réveil poétique, écoutons encore les murmures des voix ancestrales, et également celles de Robin Williams et de ses compagnons, de ces poètes disparus :
« Profitez du jour présent, faites de vos vies quelque chose d'extraordinaire ». Ecoutez bien et vous les entendrez peut-être rire sur un fond de cornemuse.
Oh capitaine, mon capitaine.