Au Vatican, le pape vient de mourir, le conclave est rassemblé pour élire son successeur. Ce conclave est composé de vieillards qui ont tous peur de se retrouver pape à leur tour. Ils prennent finalement leur décision, le cardinal Melville, magnifiquement interprété par Michel Piccoli, est désigné, la fumée blanche apparait enfin: Habemus Papam ! Seulement, au moment de saluer la foule, le cardinal Melville fait une crise de panique et refuse de se montrer sur le balcon de la place Saint Pierre car il se sent incapable de remplir les fonctions de pape que soi disant Dieu lui a confié, et parvient à s’enfuir dans une Rome séculière, ce qui laisse l’ensemble des cardinaux ainsi que l’ensemble des croyants incertains quant à l’avenir de l’institution.
Quand la psychanalyse rencontre la religion
Avant son escapade dans Rome, le porte-parole des cardinaux tente de régler la situation en appelant le psychanalyste le plus réputé de la capitale, interprété par Nanni Moretti lui-même pour tenter de résoudre le problème anxieux qui touche le nouveau pape.
Le psychanalyste va tenter d’appliquer ses méthodes freudiennes dans un cadre peu propice à la discussion : durant sa rencontre avec Melville, il sera entouré de tous les autres cardinaux, avec des restrictions concernant les sujets de discussion.
Tout d’abord, le concept d’inconscient ne peut coexister avec la religion catholique qui met en avant l’existence du concept de l’âme. Il ne peut pas non plus poser des questions sur ses pulsions ou ses envies sexuelles, qui sont des sujets qui forment une bonne partie de la méthode psychanalytique. Confronter un psychanalyste, qui en plus se révèle être athée et un pape fraîchement élu qui fait une dépression met en évidence le problème de l’anachronisme de l’institution pontificale et de la religion catholique plus largement, face aux différents progrès scientifiques.
La manière dont l’Église gère ces différentes découvertes et évolutions scientifiques dans ce film, c’est-à-dire en ignorant complètement tous ces acquis plutôt que d’évoluer avec, est traité d’une manière très critique par Nanni Moretti.
Cet aspect du film lui a valu de nombreuses critiques de la part des fidèles catholiques, même si le Vatican lui même ne s’est pas prononcé à son sujet.
La question de la comédie
Le film, dont le scénario parait à première vue dramatique, est pourtant traité avec une telle légèreté qu’on peut finalement plus l’apparenter à une comédie humaine.
Beaucoup de scènes (comme celle évoquée plus tôt de la confrontation entre Melville et le psychanalyste par exemple) sont traitées avec beaucoup d’humour et de burlesque. Tout d’abord l’image donnée de l’institution rentre en décalage avec les images qu’on peut s’en faire.
Au début du film, quand le conclave est réuni pour élire un nouveau pape, chaque cardinal, filmé chacun leur tour avec en fond sonore leurs pensées, qui prie Dieu pour ne pas être pape." Ce qu’on pense être l’aspiration de chaque homme d’Église est représentée comme leur hantise. Ensuite, pendant l’escapade de Melville, le psychanalyste et l’ensemble des cardinaux étant coincés dans le Vatican, organisent un tournoi de Volley-Ball ce qui donne lieu à des scènes burlesques où l’on voit des vieillards habillés de leur robe, s’éprendre pour ce sport. Le Vatican,qui est complètement reconstitué par l’imagination de Nanni Moretti et de la décoratrice Laura Casalini, peut-être comparé à une grande scène de théâtre.
Chaque personnage à son rôle défini dans les décors à commencer par les Gardes suisses qui sont présents tout au long du film et dont les actions sont orchestrées à la minute près. Ce côté théâtral est renforcé lorsqu’à la suite de l’escapade de Melville,le porte-parole doit faire croire aux cardinaux que le nouveau pape se repose seulement dans ses appartements, et engage pour cela un garde suisse chargé de se balader dans les appartements du pape, pour duper le reste des cardinaux en simulant la présence du pape. Enfin, le balcon de la place Saint-Pierre est la quintessence de cette comédie humaine: c’est ce sur quoi, si le cardinal de Melville ne monte pas, il ne peut pas interpréter son rôle et ce sur quoi les fidèles, tels des spectateurs, attendent leur nouveau pape pendant plusieurs jours.
Ce thème de la comédie humaine est repris lors de l’escapade de Melville à Rome, pendant laquelle il rencontre une troupe de théâtre qui est à Rome pour représenter La Mouette de Tchékov. Un des comédiens de cette troupe, est en réalité un fou qui passe son temps à réciter le texte intégral de la pièce. Melville va suivre ce groupe pendant leur représentations, pendant leur repas, va participer à leur discussion et à leur répétition puisqu’il connait le texte de Tchekov par coeur.
Le parallèle dressé entre toute l’institution pontificale et une scène de théâtre est aussi dressé dans la comparaison entre le personnage de Melville et celui du comédien fou. Ce comédien n’arrive jamais à réciter ses répliques au bon moment et est toujours en décalage avec le reste de la troupe.
Le seul moment où il parvient à réciter sa partie uniquement, il est interrompu par les cardinaux qui viennent chercher le pape, et ce n’est donc plus à lui de jouer un rôle. Melville est dans le même cas vis-à-vis du Vatican: il ne parvient pas à monter sur le balcon du Vatican pour réussir à jouer son rôle.
Ce film est une grande réussite, il arrive à alterner des moments légers et humoristique, comme la scène des cardinaux qui jouent au Volleyball, avec des moments tragiques dans lesquels on voit la difficulté de se conformer à un rôle qui nous est imposé.
Le film ne traite pas de la foi, il traite de l’identité et de du sentiment de décalage qu’on peut ressentir entre cette identité et ce que les autres attendent de nous. Le personnage de Melville traverse une période de remise en question qui se soldera par un refus des exigences de l’institution à laquelle il appartient, malgré les différentes déceptions et les critiques que cette décision impliquera, puisque malgré tout cela, il choisit de prendre une décision plutôt que d’en subir une.
En s’échappant du Vatican, en étant confronté à la vie de la Cité et en rencontrant la troupe de théâtre, Melville va effectuer un acte de rébellion envers cette institution, qui passe par le fait d’en sortir, d’aller voir ce qu’il se passe en-dehors de celle-ci et de se confronter à différentes conceptions de la vie.