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Pourquoi "Astérix & Obélix : Mission Cléopâtre" est le meilleur film de tous les temps


Mais, vous savez, moi je ne crois pas qu’il y ait de bonne ou de mauvaise comédie française… Enfin si, ces derniers temps, il y en a surtout eu des mauvaises. Mais heureusement, pour se consoler après avoir vu une énième bouse bourrée de clichés et de blagues Carambar (et sans doute avec Kev Adams/Kad Merad/Dany Boon au casting), il existe un film qui, comme le bon vin, se bonifie au fil des années.

Oubliez Bourvil et De Funès, oubliez Le Dîner de Cons, Les Bronzés, Les Inconnus, Les Visiteurs et surtout, surtout oubliez Les Ch’tis, parce que la meilleure comédie française de tous les temps parle d’une bande d’irréductibles gaulois en voyage scolaire au pays de Cléopâtre.

Attention, gros coup de vieux : « Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre » est sorti en 2002. Boum. 2002. Cette époque fantastique où Les Nuls étaient encore des références de l’humour français, où Gérard Depardieu n’était ni Russe ni alcoolique et où Dieudonné faisait encore rire les gens. Bref, bientôt 15 ans que le registre comique français a accouché de sa Joconde.

Écrit et réalisé par Alain Chabat, Mission Cléopâtre est la deuxième – et incontestablement la meilleure – des quatre adaptations du petit gaulois moustachu au cinéma. Une saga au succès forcément immense, étant donné la popularité d’Astérix dans notre pays, mais dont les rejetons n’ont pas toujours su s’imposer comme les classiques qu’ils auraient dû être. Dans cette marée de films plus ou moins réussis, « Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre » plane, porté par une écriture géniale, des performances d’acteurs mémorables, un rythme soutenu maintenu en vie par une avalanche de vannes plus ou moins grasses et de punchlines cultes. En d’autres mots, ce que la comédie française fait de meilleur.

S’il te plaît… dessine-moi un film culte

« Mission Cléopâtre » est un film qu’on aime voir, et surtout revoir. L’humour a beau être simple et efficace, censé être à la portée d’un public le plus large possible, plusieurs visionnages sont nécessaires pour comprendre toutes les vannes, les références et les clins d’œil glissés par Alain Chabat tout au long du film. Pas plus tard qu’hier, je re-re-re-re-re-re-re-re-re-re-re-(…)-re-revoyait le film – un peu pour les besoins de cet article, beaucoup pour le plaisir – et j’ai compris une nouvelle vanne qui m’avait jusque-là échappée. Allez, pour le plaisir, je vous la donne : la scène se déroule dans la tente de César, et Caïus Céplus (le personnage joué par Dieudonné) informe César que Numérobis a fait appel aux gaulois pour l’aider sur le chantier : « Apparemment impossible n’est pas gaulois. Numérobis en a appelé trois à son secours, dont un druide qui se nomme Téhachix. – Panoramix ? – Panoramix oui, c’est ça. Je savais que ça sonnait large. » Vous l’avez ? (MP pour les explications si vous êtes lent)

Et l’avantage, c’est qu’à moins d’avoir une culture générale en béton armé, chaque fois que vous verrez ce film, une nouvelle référence va vous sauter aux yeux. C’est génial de connerie, et ça va de la référence la plus subtile au petit truc bête du quotidien : Claude François, Itinéris et SFR, « Le Radeau de la Méduse », Hugues Aufray, Où est Charlie, Titanic, Forrest Gump… Il y en a pour tous les goûts, pour les petits et pour les grands, et ça c’est beau nom d’un menhir.

C’est certainement une des choses que j’aime le plus dans ce film : « Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre » s’approprie la culture, et notamment les personnages historiques, les tourne en ridicule, les modernise, les vulgarise, mais tout en gardant une finesse et une élégance. C’est tout ce qui fait la différence entre une simple et banale caricature et du génie.

Le seul qui a réussi à reproduire ça, selon moi, c’est Alexandre Astier, en particulier avec Kaamelott qui est certainement ma série comique française préférée. D’ailleurs, j’adorerais voir un film Astérix écrit et joué par Astier (je sais qu’il a déjà écrit un film d’animation, qui était d’ailleurs très cool, pour le coup je parle d’un film avec des vrais gens dedans).

C’est quoi cette porte au plafond ?

Mais si ce n’était que ça, que quelques calembours bien sentis et une grosse dose de culture générale, ça n’aurait aucun intérêt. Au mieux, ça ferait souffler du nez des cinquantenaires en cardigan venus faire leur sortie ciné du mois en famille, mais ça ne toucherait pas grand monde et ça n’entrerait certainement pas dans le patrimoine du cinéma français. La légende de ce film repose sur deux mots, très simples, qui peuvent vous faire passer un film au rang de référence : phrases, cultes. Il y en a plein, partout, tout le temps. C’est tellement bien écrit et tellement bien pensé que ça renvoie à l’école tous les comiques qui ont précédé et que ça a inspiré tous ceux qui ont suivi.

Les punchlines de Mission Cléopâtre sont tellement cultes que j’en utilise encore couramment aujourd’hui, quinze piges plus tard. Et fait pas trop le malin, derrière ton écran, parce que je sais que toi aussi tu le fais. Allez tenez, voilà mon petit starter pack des répliques du film qui m’ont le plus fait délirer, à utiliser dès que l’occasion se présente (même si, pour certaines, elle se présente rarement) :

« Les trucs pointus, là ? »

« - La porte au plafond là. – Ça ? Non mais j’anticipe ! Si vous voulez faire un deuxième étage, paf ! Vous pouvez, parce qu’il y a déjà une porte pour y accéder ! Et ce carrelage, là, il est pas magnifique ? Feudartifis viens voir ici. Il est magnifique ce carrelage ou il est pas magnifique ?»

« Il est bizarre ce sol, il est pas palpable »

« Il est où le m’agneau ? Ils ont mangé le m’agneau ? »

« Et juste là, un petit géranium. Ouais. Ça va être bien. Ça va être très bien même »

« Tu n’avances pas du tout, cannabis »

« Qu’est-ce que c’est que ce pays… C’est pas possible, il fait au moins -8000 »

« - Je suis mon cher ami, très heureux de vous voir – C’est un Alexandrin »

« Un bol. Une bolinette, c’est un petit bol. Une bolinette et puis c’est tout. »

« Souquez les artimuses »

« Pas de pierre, pas de construction. Pas de construction, pas de palais. Pas de palais … pas de palais. »

« Sympa ta robe »

« Kétébécé s’ils sont au moins huit (…) Kéteb ouvert, kéteb généreux »

« Va te faire embaumer chez les grecs »

« Alors là s’ils en sortent vivants de celle-là, je jure de plus jamais me raser la tête tiens. Plus jamais me raser la tête ! »

« Parce que j’avais aussi pensé à « bande de chacals, vous allez tous crever comme des chacals… mais ça faisait deux fois chacals, donc… Quoi ? On dit des chacaux ? »

« Roh cette nuit j’ai fait un rêve… je gagnais un million de sesterces. Puis avec j’achetais une paire de chaussures. Trop grandes. Puis moches en plus. »

« C’est trop calme. J’aime pas trop beaucoup ça. J’préfère quand c’est un peu trop plus moins calme »

« La violence du moine n’a jamais fait l’habit du moine »

« Ça va, ça va, imhotep »

« Le lion ne s’associe pas avec le cafard »

« Le mec il s’appelle On. Il lui dit c’est son phare … Bah c’est le phare à On comme le pharaon, le chef de… le chef de nous ! »

Sans oublier la meilleure pour la fin (celle-ci est à imprimer, à coller dans vos chiottes et à lire pendant vos numéro 2 jusqu’à ce que vous la connaissiez à la virgule près) :

« Mais vous savez, moi je ne crois pas qu'il y ait de bonne ou de mauvaise situation.... Moi si je devais résumer ma vie aujourd'hui avec vous je dirais que c'est d'abord des rencontres. Des gens qui m'ont tendu la main peut-être à un moment où je ne pouvais pas, où j'étais seul chez moi. Et c'est assez curieux de se dire que les hasards, les rencontrent, forgent une destinée. Parce que quand on a le goût de la chose, quand on a la goût de la chose bien faite, le beau geste, parfois on ne trouve pas l'interlocuteur en face, je dirais le miroir qui vous aide à avancer. Alors ça n'est pas mon cas, comme je le disais là, puisque moi au contraire j'ai pu, et je dis merci à la vie, je lui dis merci, je chante la vie, je danse la vie ! Je ne suis qu'amour ! Et finalement quand beaucoup de gens aujourd'hui me disent "mais comment fais-tu pour avoir cette humanité ?" Et bien je leur réponds très simplement, je leur dis : c'est ce goût de l'amour. Ce goût donc qui m'a poussé aujourd'hui à entreprendre une construction mécanique, mais demain qui sait peut-être simplement à me mettre au service de la communauté, à faire le don, le don de de de soi. »

Bref, « Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre » est un film drôle et faussement con. C’est parce qu’il est con que c’est drôle, mais c’est parce qu’il est loin d’être con dans le fond qu’il est rentré dans les mémoires et y a pris le fauteuil le plus confortable.

En somme, Mission Cléopâtre est le symbole d’une époque où l’humour français n’avait pas constamment besoin de regarder où il mettait les pieds. Un humour loufoque mais incroyablement intelligent, d’une connerie complètement maîtrisée, à la fois lourd et léger, irrévérencieux sans jamais dépasser les bornes. Rendez-nous cet humour.


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