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Mademoiselle : Sur fond de féminisme et d'amour entre femmes


J’ai enfin vu ce film, sorti le 5 octobre dernier. Et j’en ressors en disant : WAOUH. Bon, la Corée, ça déconne pas en terme de ciné !

Oui, oui. Une très belle expérience de cinéma. Le film est génial, quasi parfait (quelques scènes en trop, non nécessaires voire inutiles), d’une rare beauté, d’une douceur sans nom (quand la violence n’est pas ultra présente…), très poétique et se plaçant parfaitement dans la catégorie de films thrillers « mind-games » (genre Inception, Shutter Island, …).

L’intrigue côté thriller est vraiment de haut, haut niveau.

À travers ce film, il y a beaucoup de choses que l’on peut aborder. D’abord, petit retour sur le contexte historique dans lequel se place le film. Nous sommes dans les années 1930 en Corée colonisée par le Japon. En effet, depuis 1894, il y avait entre les deux pays un traité d’alliance militaire.

Puis en 1905, lors du traité de Portsmouth stipulant la fin de la guerre russo-japonaise, un protectorat du Japon sur la Corée est établit. Et enfin, en 1910, signature d’un nouveau traité pour l’annexion de la Corée. Il faut savoir que tous ces traités ont été signés par la Corée sous la contrainte. Le Japon a alors mis en œuvre une colonisation impitoyable en Corée (exploitation des ressources, interdiction de l’apprentissage du coréen en 1940, …).


Ainsi, dans le film, nous voyons une riche famille japonaise ayant immigré en Corée qui a bon nombre de servant.e.s coréen.ne.s, et la jeune héritière Hideko a pour courtisan un comte japonais. Premier antagonisme fort dans cette société dans laquelle le film se place.


En effet, nous voyons une société complètement sclérosée, fermée non seulement sur les antagonismes classiques riches/pauvres ou encore nobles ou bourgeois/serviteurs, mais aussi sur cet antagonisme de nationalité où les Japonais.es sont montré.e.s comme les êtres supérieurs, décideurs de cette société, face aux Coréen.ne.s qui sont à leur service.


Et la force de ce film est de bouleverser si ce n’est complètement renverser ces antagonismes qui déterminent la société, à travers les personnages principaux, tous autant qu’ils sont.

Sur la question de la nationalité, le comte en est la parfaite illustration : il cherche à séduire Hideko, la jeune héritière japonaise, se fait passer pour un japonais mais est en vérité un escroc fils de paysans coréens. L’antagonisme plus classique riches/pauvres est lui aussi renversé par l’intrigue et l’objectif du comte et de Sooke de piéger Hideko pour lui voler son héritage.

Enfin, cette présence forte d’antagonismes tout au long du film se voit même à travers des scènes d’une extrême violence qui font suites à des scènes d’une poésie, d’une beauté et d’une douceur sans nom.

Je trouvais intéressant de noter ces dualités à répétition que forge le réalisateur à travers son film, le rendant encore plus puissant et fort. Gros coup de cœur sur cette mise en scène.




Le film fait aussi un très bel écho aux questions féministes. Nous voyons à travers le personnage de Hideko tout un tas de choses qui montrent à quel point les sociétés patriarcales possèdent et asservissent les femmes. Hideko, et ce, depuis son enfance, est maltraitée par son oncle (châtiments corporels quand elle fait des bêtises d’enfant…) et petit à petit est enfermée dans une prison de verre malsaine et perverse. Elle ne fait d’ailleurs que parler du suicide de sa tante qui a ainsi « réussi » à s’échapper de cette même prison de verre.


De plus, le réalisateur nous montre très bien comment les femmes sont montrées comme folles dès qu’elles dérangent (d’où l’adjectif « hystérique » pour désigner les femmes qui s’énervent « un peu trop »… C’est un moyen de décrédibiliser une colère, on juge folles les femmes au lieu de leur reconnaitre leur énèrvement et leur colère souvent légitimes).

Enfin, sur les questions féministes, nous voyons très bien aussi à quel point Hideko a appris quel rôle de femme elle doit tenir dans sa vie, en société, ainsi qu’une parole, qu’une sexualité, bref tout un ensemble de règles et de normes. Place dans la société qu’elle va chercher à renverser. Le paroxysme de tout ça est quand on entend le comte dire : « Tu l’as bien lu, une femme éprouve plus de plaisir quand on la prend de force ».

Oui, oui. Paie ta culture du viol. Et ça aussi, nous le voyons tout au long du film (à chaque fois de la part du comte, si je ne me trompe pas) : il touche les seins ou les fesses de Hideko sans autorisation, il force Seekoo à lui toucher ses parties intimes, entre autres.



Enfin, le film nous parle avec une grande sensibilité de l’amour lesbien sans être pudique sur la sexualité (plusieurs scènes). A nouveau, nous voyons un renversement sur la sexualité passant de celle qui semble être la norme, celle de l’hétérosexualité, à l’homosexualité. Deux personnages, Sookee et Hideko vont illustrer ce renversement. Le film évite à mon sens les travers d’une caricature de l’amour lesbien et porte un discours qui fait du bien en ces temps d’homophobie latente dans la société (refus du mariage pour tous, vague d’homophobie sur des campagnes de prévention de maladies type SIDA). Juste en fait, chacun.e a la sexualité qu’il/elle a.




Mais heureusement, pour ne pas déprimer de notre société qui peut être parfois réactionnaire et conservatrice, il y a des films comme Mademoiselle qui brave tout ça et au final, font reculer l’homophobie. Alors certes ce film est interdit aux moins de 12 ans, donc on ne peut le visionner à tout âge, mais il serait bon de le montrer à certain.e.s.





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