Depuis mercredi, la galaxie lointaine, très lointaine de Star Wars est de retour dans les salles obscures. Un an tout juste après la sortie de l’épisode VII, le « Star Wars Cinematic Universe » qu’est en train de façonner Disney a accouché de son deuxième bébé : « Rogue One : A Star Wars Story ». Premier spin-off de la saga, il raconte l’histoire, bien connue des fans de la trilogie originale, de l’escouade de rebelles qui s’est emparée des plans de l’Étoile de la Mort.
ATTENTION : SI VOUS N’AVEZ PAS ENCORE VU ROGUE ONE ET QUE VOUS COMPTEZ ALLER LE VOIR, CET ARTICLE EST BOURRÉ DE SPOILERS. NE REVENEZ QUE QUAND VOUS AUREZ VU LE FILM. MAIS REVENEZ.
Dès les premières secondes de film, on sait que « Rogue One : A Star Wars Story » ne sera pas Star Wars comme les autres. Et pour cause : présent dans tous les films de la saga, le fameux générique déroulant jaune, qui situe le contexte et les enjeux du film, est absent. « Il y a un prologue au début qui se passe presque quinze ans avant l'action du film. C'est comme ça que l'on expose l'action, a expliqué le réalisateur du film, Gareth Edwards (Godzilla, 2014). Notre film vient justement de ce texte, du générique de Star Wars IV. Pour un film isolé, ils voulaient qu'on le différencie du reste de la saga ».
Et le moins que l’on puisse dire, c’est que pour son quatrième film seulement en tant que réalisateur, Edwards a réussi son pari. Confronté à la montagne Star Wars, il a offert au public un film à l’équilibre parfait. D’un côté, « Rogue One » est profondément différent des autres Star Wars : dans sa dynamique, c’est avant tout un film de guerre qui se déroule dans l’univers de Star Wars. Dans son casting, mis à part quelques visages familiers (Bail Organa, Mon Mothma, l’amiral Tarkin et Dark Vador principalement), Rogue One s’appuie sur des personnages nouveaux, créés et développés pour le film, et s’éloigne de la famille Skywalker qui a été et qui est toujours au centre des films de la saga. De l’autre côté, on se sent dans « Rogue One » comme à la maison : on retrouve les piliers de la mythologie des films Star Wars (la Force, très présente malgré le fait qu’aucun héros n’en soit doué, l’Empire et la Rébellion, les Jedi et les Sith, etc.), on retrouve des stormtroopers plus débiles et plus faciles à tuer que jamais, un droïde à hurler de rire, une héroïne attachante portée par le courage et la solidarité, et surtout des scènes de combat jouissives à souhait. En bref, sans en être vraiment un, « Rogue One » est peut-être l’un des meilleurs films Star Wars, et ça, c’est fort.
Une histoire solide, mais
Commençons par le commencement : le scénario. En commençant par raconter cette histoire, les équipes de Lucasfilm et de Disney partaient avec un avantage clair, qui était que tout le monde connaissait déjà la fin de « Rogue One ». L’action du film se situe juste avant le début d’« Un nouvel espoir » et raconte, à travers l’histoire de Jyn Erso (Felicity Jones), comment un groupe de rebelles s’est introduit dans l’une des bases de l’Empire pour y voler les plans de l’Étoile de la Mort.
Jyn est la fille de Galen Erso (Mads Mikkelsen), un scientifique spécialisé dans les crystaux Kyber, qui sont la composante majeure des sabres laser et dont l’Empire a besoin pour créer le rayon laser de l’étoile de la Mort. C’est à travers l’histoire de cette famille que les scénaristes ont habilement fait le lien avec l’épisode IV : alors qu’il a fui l’Empire, Galen Erso est traqué par le directeur Orson Krennic (Ben Mendelsohn), grand méchant du film, qui le « convainc » de reprendre son ancien poste. Contraint d’accepter, il glisse dans les plans de l’étoile de la Mort une faille, qui sera exploitée pour détruire l’appareil dans l’épisode IV. Pour pouvoir exploiter cette faille, il fallait à la Rébellion les plans de l’étoile de la Mort : c’est là qu’intervient Jyn, approchée par les Rebelles afin de les aider à retrouver son père et qui finira, envers et contre tout, à mener une bande de « renégats » dans une bataille impossible contre l’Empire.
Le scénario de « Rogue One » tient debout. Il est même solide comme un roc. Le lien avec l’épisode IV est fait parfaitement, et c’est finalement peut-être ce qui a permis aux scénaristes de se libérer totalement : la suite de l’histoire étant déjà connue, ils pouvaient donner à ce film un début, un déroulement et une fin. « Rogue One » est un film achevé, et il n’en est que plus plaisant à regarder. Et cela est notamment passé par une chose que l’on voit rarement aujourd’hui au cinéma : l’élimination, un par un, de chacun des héros du film. N’étant pas présents dans la trilogie originale, Erso et ses compagnons trouvent tous la mort dans la réalisation de leur mission, ce qui renforce finalement cette histoire courte et passionnée d’une bande créée de nulle part et qui a réussi à mener à bien une mission suicide.
Il n’y a que deux choses qui, à mon sens, sont venues gâcher ce scénario presque parfait : la scène de la mort de Galen Erso et l’ambiance de romance latente entre Jyn et Cassian Andor. Ce sont peut-être les deux facilités scénaristiques dans lesquelles l’équipe du film a plongé la tête la première sans que ce soit vraiment nécessaire. Galen Erso qui prend une explosion à deux mètres de sa tronche mais qui survit juste assez longtemps pour pouvoir dire quelques mots poignants à sa fille avant de mourir dans ses bras, ça apporte une touche d’émotion au film mais ça n’en sert pas l’originalité. Idem, la relation qui évolue au fil des minutes entre Jyn et Cassian, des deux têtes brûlées qui ne peuvent pas se blairer à cette tension amoureuse évidente, ça casse un peu le délire. « Rogue One » n’avait clairement pas besoin de ça pour être un bon film, et ça passe presque mal vu l’ambiance générale.
Un film incroyablement beau
Le point fort de « Rogue One », au-delà de son histoire, c’est que c’est un BEAU film. Et oui, j’ose les majuscules. La magie du numérique associée à l’expertise des costumiers de l’univers Star Wars nous offre son plus savoureux mélange, entre des paysages grandioses et des bestioles plus vraies que vraies. Visuellement, ce film est une réussite. L’incarnation de cette réussite ? Le Grand Moff Tarkin. Pourquoi lui en particulier ? Parce que l’acteur qui l’incarne, Peter Cushing, est décédé depuis 22 ans. La magie des effets spéciaux a ramené ce personnage emblématique des premiers Star Wars à la vie, de même qu’elle a donné un sacré coup de jeune à Carrie Fisher (la Princesse Leia Organa), qui fait une apparition remarquée à la toute fin du film.
Le fait que cette résurrection en bonne et due forme passe totalement inaperçue aux yeux du public en dit long sur la qualité des personnes qui ont travaillé à l’image de ce film. Elle en dit aussi long sur la volonté des scénaristes et de l’équipe du film de rester très proche de l’âme de l’épisode IV, ou du moins de la trilogie originale, dont ce film est très proche. Comme pour ramener Tarkin et Leia à la vie, les références à l’univers Star Wars ont été faites avec légèreté, finesse et professionnalisme. Il n’y en a ni trop, ni pas assez, juste en quantité suffisante pour nous décrocher quelques sourires et ne pas polluer le film, et surtout elles sont entourées de nouveautés (nouveaux droïdes, nouveaux stormtroopers, nouveaux vaisseaux, etc.) qui les rendent anecdotiques.
Et là encore, un seul exemple suffit à résumer le tout : Dark Vador. Dès le moment où l’on a su qu’il serait dans le film, on aurait pu penser que la production allait en abuser. Parce que Dark Vador est tout simplement le personnage le plus emblématique de toute la mythologie Star Wars. Et pourtant. En tout et pour tout, Vador n’a eu de temps d’écran que cinq minutes, et deux scènes absolument géniales. Juste assez pour faire kiffer tous les fans de la première heure et ne pas crever l’écran à lui tout seul. La deuxième scène (vers la fin du film) était particulièrement puissante et réussie, notamment au niveau visuel. Et là où « Rogue One » a fait fort c’est que, même en si peu de temps, le film a réussi à dévoiler une autre facette de Vador en le dévoilant sans son armure. Rénover l’ancien sans le dénaturer, voilà en somme l’incroyable défi relevé par « Rogue One » et qui en fait un film aussi juste.
Alors évidemment, on pourrait trouver plein de défauts à ce film, comme beaucoup en ont trouvé au « Réveil de la Force » sorti l’année dernière. Mais pour un premier spin-off, Disney a plus que réussi son pari. Il a réussi à faire un film Star Wars de qualité, le tout en s’écartant juste assez des films de la saga pour ne pas offrir au public un film trop similaire aux sept déjà sortis – ce qui avait été principalement reproché à l’épisode VII. Alors que quatre autres films devraient sortir d’ici 2020, dont deux autres spin-offs (un sur Han Solo, un autre probablement sur Obi-Wan Kenobi ou Boba Fett), l’avenir de la franchise semble déjà radieux. « Rogue One », tout spin-off qu’il est, s’inscrit incroyablement bien dans la saga Star Wars. Et avec lui son message : Rebellions are built on hope.