Sorti le 7 décembre 2016 et réalisé par le québecois Denis Villeneuve (Sicario, Enemy, bientôt Blade Runner 2049), Premier Contact (ou Arrival) en V.O. est arrivé sur les écrans un peu sur la pointe des pieds. Il faut dire que la semaine suivante sortait (l'excellent) Rogue One : A Star Wars Story, premier spin-off de la saga la plus connue de la galaxie.
Il est drôle de voir deux films de SF sortir quasiment en même temps en cette fin d'année, chacun portant une vision différente du cinéma de science-fiction : Rogue One est le film de SF « classique », où l'on a beaucoup investi dans le spectaculaire et l'action permanente. Premier Contact, lui, se veut bien plus intimiste, plus terre à terre, plus porté sur l'échange et le dialogue.
Ceci n'est nullement une critique négative envers l'un ou l'autre film. Cette coïncidence de proximité de dates de sortie pour des films issus du même genre mais aux buts radicalement différents est intéressante, et permet de voir que la SF ne s'enferme pas dans une ritournelle « made in Hollywood » où l'on profite du contexte des histoires pour balancer un max niveau effets spéciaux et grandiose. Et ce sont deux excellents films, chacun à leur manière.
Nous n'allons plus trop revenir sur le spin-off de Gareth Edwards, et nous concentrer sur le film du québecois Denis Villeneuve. Mais il reste intéressant de garder en tête cette idée que deux films de SF différents, aux buts et aux méthodes différentes, peuvent réussir à captiver le public chacun à leur manière.
Premier Contact nous raconte l'histoire de l'Humanité entrant en contact avec une entité extraterrestre qui décide, pour une fois, de ne pas se poser qu'au dessus d'une mégapole américaine. Il y a en tout 12 vaisseaux, posés dans 12 pays du monde, et surtout dans de grands espaces qui sont « vides » (prairies, toundra, mer, désert, …).Il y a des vaisseaux dans le Montana, en Sibérie, au Pakistan, au Vénézuela, en Angleterre, etc...
Si nous suivons essentiellement les actions de Louise Banks (jouée par Amy Adams), une linguiste recrutée par l'armée pour traduire le message laissé par les extraterrestres à leur arrivée, le film s'ouvre à ce qu'il se passe dans le monde durant ce que l'on peut appeler « The Alien Crisis » : réactions des médias, des gens, manifestations civiles, réactions religieuses et insurrections diverses au fur et à mesure.
Louise Banks œuvre à traduire la langue des arrivants afin de pouvoir dialoguer avec eux et comprendre pourquoi ceux-ci sont arrivés. Elle est accompagnée par Ian Donnelly, un scientifique (joué par Jeremy Renner, notre Hawkeye international).
Pour résumer en quelques mots, ce film a été un de mes coups de coeur : un film à la beauté ensorcelante, à la fois très bien filmé, avec de très beaux plans, notamment sur les plans larges où l'on peut constater le gigantisme du vaisseau extraterrestre (Rogue One aussi arrive à nous offrir des plans empreints de gigantisme, tout aussi spectaculaires que des scènes d'action), mais aussi une réalisation maîtrisée et une bande-son enivrante, qui comporte de nombreux thèmes aux sonorités quasi irréelles.
On est ici dans un film de SF où les accents martiaux sont quasi absents (c'est le dialogue et la force du langage qui sont privilégiés, les extraterrestres ne sont pas vus de suite comme des ennemis à abattre, même si certains prennent peur dès le départ, mais cette question est un des fils rouges du film : certains pays sont de plus en plus méfiants vis à vis des aliens, au fur et à mesure que le dialogue se crée avec les créatures venues d'ailleurs).
Il y a aussi un bel aperçu de la perception d'un événement majeur à tous les niveaux de la société, avec des informations diverses sur ce que pensent les gens, qu'ils soient des professionnels de la politique et des médias ou de simples citoyens avec une caméra.
L'une des forces du film est le côté humain. Si l'on est souvent derrière Louise, qui a un lien tout spécial avec ce qui se passe durant le film, elle n'est pas une « élue », désignée par une force supérieure pour incarner une voie pour le futur.
Elle arrive à comprendre, peu à peu, les aliens non seulement par son travail et ses compétences, mais également par la collaboration mise en place entre les scientifiques du monde entier. Certaines avancées sont obtenues grâce au travail des chercheurs des autres pays, et notre héroïne avance grâce à cela aussi.
Cette idée de collaboration, d'émulation est une des lignes-forces du film et contribue à son côté humain: on n'avance pas seul dans la vie, on n'est pas une force surhumaine capable de tout braver, on réussit grâce à un travail commun. Denis Villeneuve nous offre une œuvre que je trouve splendide et dont le message est important à notre époque : c'est en travaillant ensemble, au-delà des différences des idées et des visions de la vie, que l'on peut réussir, et qu’œuvrer chacun dans son coin peut amener à la destruction de tout l'édifice humain.
Si un jour l'humanité se retrouve face à un défi qui dépasse le cadre des rivalités entre les nations, Denis Villeneuve espère que celle-ci fera bloc au lieu de laisser ses divisions risquer de tout perdre. Regardez le monde autour de vous : plus que jamais, il paraît fracturé, divisé, irréparable. Mais Denis Villeneuve veut nous offrir ce message : soyons humains, ensemble.
Je m'excuse de ne pas trop me pencher sur l'intrigue du film. Contrairement à mon analyse de Doctor Strange, celle-ci n'est pas spoiler. Car je trouve l'intrigue de ce film tellement importante, tellement passionnante que je préfère la laisser à chacun d'entre vous.
Je vous encourage à voir ce film qui a réussi à me toucher au cœur, à me faire réfléchir à ce monde dans lequel on vit et à ce que peut être un bon film de SF : ça peut tout aussi bien être un grand spectacle à la Rogue One qu'un film plus intimiste comme Premier Contact, où le dialogue et l'échange sont au premier plan.
Ce film fut mon premier film de 2017, et j'espère rester à ce niveau pour le reste de l'année !