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Il était une fois en Amérique : L'ultime éclat de Sergio Leone



L'éclat implique une violence, un éblouissement, une intensité. L'éclat, c'est ce dernier film que nous offre à voir Sergio Leone. Pourtant, cet éclat n'est pas si évident et facile à saisir ; il se dévoile tout au long de cette formidable fresque prenant place dans l'Amérique des années 30.


D'une nouvelle importance face au tournant que les États-Unis rencontrent aujourd'hui, il est bon de se replonger dans ce grand classique du cinéma. Nostalgie et mélancolie : une ode au souvenir. Face à cette œuvre de presque quatre heures, notre première réflexion est celle-ci : Qu'est-ce que cette histoire a à nous dire qui mérite tant d'attention ?


Sous l'emprise de l'opium, le personnage « Noodles », se remémore sa vie, les épreuves qu'il a traversé, les souvenirs qui l'unissent à ses amis disparus. Devenu « gangster » de la prohibition au fil d'une histoire mouvementée et souvent douloureuse, nous découvrons ainsi son histoire, la création de son « gang » avec ses amis d'enfance , son premier amour, sa vie.

Ce film est d'une nostalgie indescriptible. La nostalgie naît des flash-back réguliers du personnage et d'une constante alternance entre présent et passé. Sergio Leone nous entraîne alors dans ce monde de la prohibition, souvent caricaturé. La description qu'il en fait n'a rien d'idéalisée, ici au contraire, tout semble si vrai et si profond, des personnages, aux sentiments de Noodles.

En effet, nous sommes spectateurs des premiers émois du personnage, de la construction d'une amitié profonde, mais d'autre part nous sommes confrontés à toute la violence que rencontre ces enfants, forcés de devenir des hommes.


L’œuvre illustre à la perfection cette rencontre entre l'enfance et le monde adulte sans aucune place pour l'adolescence, obligés par un milieu social, des rencontres, un ensemble de circonstances qui amènent ces jeunes à créer un gang. Ainsi, le gang pour eux c'est avant tout la liberté. C'est se soustraire à toute autorité et montrer leur importance dans une société qui les écrase et ne leur laisse pas le choix. C'est être les auteurs de leurs vies, sans même savoir que ce n'est dés lors plus un jeu, mais qu'ils entrent bel et bien dans un monde d'où, malheureusement, l'on ressort rarement. L'importance des souvenirs est alors frappante dans ce film, avec un contraste saisissant entre la naïveté de l'enfance et la nécessité de dépasser son regard et ses sentiments pour survivre. L'enfance se ramène à notre souvenir tout au long de l'histoire et habite le personnage de multiples sentiments. Les sentiments : le cri intérieur d'un homme Car en effet, devenir gangster ne veut pas dire que l'on est dénué de sentiments, que l'amour tout comme l'amitié n'existent pas.

Nous faisons souvent face, dans de nombreux films, à des personnages inhumains, attirés par le gain et incapables de toute émotion. A l'inverse, ce film est vrai, il ne ment pas, c'est une magnifique (une des plus belles) et sincère histoire d'amitié, qui, si elle se scelle par une transformation en « gang », n'en est que plus profonde.

Noodles en effet ne peut être compris qu'à travers la relation forte qu'il entretient avec ses amis, ceux avec qui il affronte la rue, la police, les premières violences, la mort... mais aussi l'amour.


Derrière un apparent machisme présent dans le monde de la prohibition et du gangstérisme, l'amour existe, avec toutes les errances qu'il provoque. Voilà un des talents de cette œuvre : l'amour se prête rarement à un film évoquant la prohibition et est souvent dés lors éclipsé des scénarios. Pourtant, dés l'enfance le personnage se trouve tiraillé par la passion , alors qu'il est encore innocent, un amour qui le hante jusqu'à la fin de sa vie. C'est un sentiment qui confond violence, passion et tendresse. C'est un amour qui nous serre le cœur, justement parce qu'il n'a rien de romantique, parce qu'il montre la difficulté pour un homme qui n'a connu que la douleur, qui a été confronté à la mort, d'exprimer toute forme de sentiments.

Ses remords, ses souffrances nous poursuivent tout au long de l’œuvre, nous saisissent et nous retournent par leur sincérité. Toujours liés à ces souvenirs omniprésents nous faisons face à un personnage qui derrière une façade de dureté et d'indifférence, est détruit par toutes les petites choses qui composent la vie humaine.

Personne n'a su autant que Leone montrer que derrière l'horreur il y avait un homme, un homme torturé par la vie. Le chef d’œuvre intemporel de Leone.

Il y aurait tant de choses à dire sur l'histoire de Noodles qu'incarne De Niro à la perfection. Lorsqu'on termine cette fresque, on ne sait plus très bien où on en est mais surtout l'on en ressort le cœur blessé. Voilà l'éclat et le plus beau cadeau du réalisateur: nous perdons nos repères, et n'est-ce pas ça que l'on exige du plus grand cinéma ? Qu'il exprime la vie, qu'il nous montre toute la complexité des sentiments et des actions humaines. Qu'il nous plonge dans un monde qui nous est inconnu et que nous pouvons dés lors toucher du doigt.



Qu'il nous bouleverse et nous fasse ressentir des émotions formidables. « Il était une fois en Amérique », au delà d'une forme parfaite et d'une description très réaliste des années 30 aux États-Unis, nous permet aussi de ressentir une ambiance propre à un temps révolu et lointain. La vie d'un seul homme illustre les douleurs et les épreuves de tout un pays. Pourtant, si le contexte est essentiel, ce film va au delà.

C'est un film de talent, un film humain tel qu'il n'en existe plus que rarement aujourd'hui.

« Il était une fois en Amérique » est un film sur le rapport à la vie, à l'amour, mais aussi et surtout au temps qui passe. C'est tout cela qui en fait une œuvre intemporelle.

Au delà des mots et des séquences, il y a aussi, bien sur, la musique : Ennio Morricone signe ici une de ses plus belles bandes originales. Le cinéma est aussi une association entre un réalisateur et un musicien, les différents morceaux qui accompagnent le film permettent d'exprimer ce que seule l'image et les mots ne peuvent nous révéler. La musique est ici un langage magnifique, indissociable de l'image et qui exprime à la perfection la profondeur des sentiments des personnages. Une musique parfaite pour un film splendide.

Que dire ? Prenez le temps et abandonnez vous devant une des plus grandes œuvres que le cinéma ait jamais connu. Et surtout n'ayez pas honte d'en ressortir bouleversé, vous n'êtes pas les seuls.


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