Au cœur d’un Brésil loin des clichés, Daniel Ribeiro propose avec Hoje Eu Quero Voltar Sozinho une romance adolescente toute en justesse, sur fond de handicap.
Le Brésil, ses plages, son équipe de foot et ses favelas. Trois éléments qui reviennent sans cesse pour définir le plus grand pays d’Amérique du Sud, trois clichés qui ne peuvent suffire à résumer les nuances de son immense territoire et de ses deux cent millions d’habitants. Et pourtant, même lorsqu’il s’agit d’art, ces thèmes restent au cœur de la production brésilienne.
Le cinéma brésilien, plutôt confidentiel en dehors du sous-continent, n’échappe pas à la règle : n’importe qui serait bien en peine de citer une œuvre brésilienne autre que les succès commerciaux Cidade de Deus et Tropa de Elite, deux blockbusters qui reprennent le triptyque violence, favelas, police corrompue dans les décors de la cidade maravilhosa, Rio de Janeiro.
Mais, depuis dix ans, le pays a changé et de plus en plus, les réalisateurs cherchent à montrer une autre facette du pays, à s’éloigner des clichés qui vendent bien mais qui laissent peu de place à l’originalité, en fin de compte, à construire un nouveau cinéma brésilien. C’est le cas de Daniel Ribeiro, jeune réalisateur paulistano, qui a réussi à convaincre l’ensemble du continent américain et un petit bout du reste du monde grâce à son second long-métrage, Hoje Eu Quero Voltar Sozinho.
A l’origine du projet, un court-métrage du même nom, posté en 2010 sur Youtube par le réalisateur, qui fait son petit buzz dans les sphères LGBT et sur les réseaux sociaux : un jeune homme aveugle, Leo, rentre du collège tous les après-midis avec Giovana, sa meilleure amie. L’arrivée d’un nouvel élève, Gabriel, remet en cause cette routine ancrée dans le quotidien des adolescents. Porté par le succès de ce projet, Daniel Ribeiro décide de l’adapter pour le grand écran, quatre ans plus tard, avec les mêmes acteurs.
Le résultat ? Un film d’une justesse incroyable. Plus intéressé par les relations entre les personnages que par des effets de montage, Ribeiro parvient à capturer la multitude de sentiments qui caractérisent cet âge particulier, des premiers émois amoureux aux relations parfois conflictuelles avec les parents. Loin des clichés brésiliens sur la violence du pays et des clichés occidentaux sur les premiers amours, le film propose un moment d’initiation pour des adolescents en quête d’identité, dans le São Paulo apaisé de la classe moyenne.
Les acteurs principaux, inconnus sur la scène internationale, Guilherme Lobo, Fábio Audi et Tess Amorim parviennent à s’inscrire sans heurt dans cette vision portée par Ribeiro, grâce à leur jeu en toute simplicité, centré sur des émotions pures, sans exagération. Les scènes à deux, à trois, se succèdent et dévoilent une palette de relations, de ressentis qui rappelleront au souvenir des spectateurs leur propre adolescence.
Pour accompagner cette palette de sentiments, le réalisateur offre des plans simples, qui complimentent les émotions exprimées par les personnages jusque dans les couleurs, du blanc froid qui suit les parents du héros aux teintes rouges orangées qui éclairent les moments d’intimité entre Leo et Gabriel.
La fraîcheur qu’apporte ce film est aussi due à son traitement de la situation de handicap et de la découverte de sentiments homosexuels. Sans tomber dans le pathos qui plombe certains films qui traitent ces sujets, ici, ces particularités sont perçues comme de simples variations de situations auxquelles tout le monde peut s’identifier.
Récompensé lors de nombreux festivals et proposé à l’Académie des Oscars par le gouvernement brésilien en 2015 pour le prix du meilleur film étranger, Hoje Eu Quero Voltar Sozinho offre un instant d’émotion, à la (re-)découverte d’un Brésil moderne et de relations humaines intemporelles.
Cidade de deus : La Cité de Dieu (2002)
Tropa de Elite : Troupe d’Elite (2007)
Hoje Eu Quero Voltar Sozinho : Au Premier Regard (FR) / The Way He Looks (ENG) (2014)