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There Will Be Blood - de Paul T. Anderson- L’Histoire de la conquête d’un empire capitaliste

À la fin du XIXe siècle, Daniel Plainview, réalisant les opportunités que le récent développement de l’automobile va apporter, commence à explorer les terres arides du désert à la recherche de pétrole. Sa seule ambition lui permet de bâtir un empire sur l’or noir. Après avoir creusé son premier puits de pétrole, eut son premier accident pendant 15 longues minutes uniquement ponctuées par des bruits de pelles, des gémissements et de pioches, on retrouve Daniel Plainview en 1911 avec son jeune fils adoptif H.W. Il incarne déjà la figure d’un petit patron ambitieux, et est mis au courant de l’existence de la commune de Little Boston en Californie, dont le sol regorge de pétrole. Il achète une partie de ces terres à Abel Sunday, mais doit tout de même se confronter à son fils, Eli Sunday, jeune pasteur dont le rôle est majeur dans la communauté traditionnelle et religieuse où Daniel Plainview va s’installer et exploiter le sol.

C’est ainsi que deux modèles vont se confronter tout au long du film et ce conflit ne peut se résoudre qu’en faisant couler du sang.


La confrontation entre deux cultes: le culte religieux et le le culte du profit


Daniel Plainview, brillamment interprété par Daniel Day Lewis, représente la figure du capitaliste du début du XXe siècle qui n’a pour seul religion que le succès. Pour lui, ce succès se trouve dans le pétrole, et c’est pour quoi Paul Thomas Anderson met en scène un rapport presque spirituel entre Plainview et l’or noir. Lorsque le protagoniste découvre du pétrole au début du film, il y plonge sa main avant de la tendre vers le ciel et de baptiser son fils adoptif avec.

Par la suite dans le film, il avoue qu’il ne croit pas réellement en Dieu et qu’il n’appartient à aucune église. En parallèle, le personnage de Eli Sunday, interprété par le jeune Paul Dans, représente une autre forme d’ambition et de culte. Il est le pasteur dans l’église communale qu’il appelle « L’Église de la troisième révélation ». Il y fait des sermons magistraux semblables à des performances de comédien en utilisant la passion afin d’arriver à ses fins, contrairement à son adversaire. Ce dernier va d’ailleurs refuser la demande de Eli Sunday qui était de bénir le gisement de pétrole, ce qui va marquer le début de leur rivalité et de la confrontation entre ces deux modèles qui partagent l’histoire de l’Amérique durant cette période: le modèle conservateur et religieux et le modèle moderne et capitaliste.

La rivalité entre les deux protagonistes va rythmer le récit ainsi que constituer un obstacle dans l’ascension de Daniel Plainview puisque le pasteur exige des conditions de travail plus décentes ainsi que des heures de travail réduites pour que les travailleurs puissent se rendre aux messes; fidèle à son personnage de capitaliste ambitieux,

Daniel Plainview refuse ce qui lui causera un accident (qui est l’une des scènes les plus remarquables du film, tant par les idées cinématographiques présentes au moindre plan que par la musique composée par Jonny Greenwood le guitariste de Radiohead) et handicape son fils, ce qui compromet l’empire familial.

La confrontation entre les deux protagonistes va se concrétiser pendant trois scènes d’affrontement direct qui bouleversent les rapports de force: durant la première scène, Plainview traine Sunday dans la boue et le pétrole, ce qui va amener Sunday à organiser un bapteme pour absoudre Plainview de ses pêchés dans une scène qui montre l’absurdité de ce duel qui se révèle être entre deux personnages semblables animés par la même volonté de pouvoir.

Cette ressemblance se retrouve lors de l’affrontement final, lorsque Sunday souhaite s’associer à l’entreprise de Plainview avec comme seul objectif qui est celui de se faire du profit. La seule issue de ce conflit est rappelée par le titre There Will Be Blood, qui rappelle aussi fatalement l’histoire des Etats-Unis, qui s’est souvent traduite pas des massacres au nom du profit.


La figure caricaturale d’un capitaliste ambitieux et misanthrope


Le personnage de Daniel Plainview est caractérisé par deux traits caricaturaux souvent présents dans l’imaginaire que l’on se fait du capitaliste du début du XXème siècle: c’est un Self made man ambitieux et individualiste. Il ne compte sur personne d’autre que lui-même pour bâtir son empire et y parvient au détriment de son humanité.

Lorsqu’il découvre le pétrole et creuse son premier puits, il adopte le bébé d’un de ses ouvriers décédé lors d’un accident de travail, les scènes qui montrent l’attention que Plainview porte pour cet enfant sont les rares scènes qui témoigne d’une certaine sensibilité du personnage. Mais dès que cet enfant devient un obstacle à son entreprise, c’est-à-dire dès qu’il devient sourd à cause de son père et incontrôlable car il décide de se venger, il délègue son éducation, plus par égoïsme que par altruisme.


De plus, il utilise son fils adoptif pour donner une image traditionnelle et familiale à son entreprise, et dès qu’un homme qui se prétend être son frère apparait, son fils ne lui est plus d’aucune utilité. Cette rencontre avec son frère donne lieu à de longues scènes de confession dans lesquelles il avoue que sa seule ambition est de gagner assez d’argent afin de se couper du monde car il déteste la plupart des gens et refuse de les voir réussir. Cette misanthropie ne va s’en trouver que renforcée lorsqu’il sera trahi par les deux seuls personnages auprès desquels il à pu se montrer sensible, c’est-à-dire lorsqu’il découvre que l’homme qui se prétendait être son frère n’était qu’un charlatan à la recherche d’un travail, et lorsque son fils adoptif décide de fonder sa propre entreprise de forage de pétrole et se place ainsi comme son concurrent sur le marché.

Cette déshumanisation progressive conclut le film sur un Daniel Plainview presque animal qui investit les lieux de son immense demeure qu’il occupe seul avec son domestique. Il est devenu alcoolique, hargneux et inconscient et achève sa quête de pouvoir vaine tel un vieux lion en abattant sauvagement son dernier adversaire.


Paul Thomas Anderson met ainsi en scène une image très critique de l’histoire des Etats Unis en présentant cet affrontement entre la foi religieuse et l’ambition capitaliste ainsi qu’en donnant une image déshumanisée du modèle américain du Self Made Man. Cependant, à travers ce conflit entre foi et ambition et de son dénouement tragique il fait naitre le monde moderne et annonce fatalement son issue : There Will Be Blood.



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