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120 Battements par Minute ou l'éloge de la radicalité


Ça fait déjà plus d’un mois que le film 120 Battements par minute de Robin Campillo est sorti en salles, et la critique comme le public s’accordent pour parler d’une grande révélation cinématographique, d’un film qui retrace la tragédie qui a marqué une génération entière qui est celle de l’apparition de l’épidémie du Sida, et surtout la manière dont Act’Up a essayé de mettre le soin des séropositifs en priorité dans l’Agenda politique.  


On pourrait parler de la manière dont Campillo met en scène l’histoire d’amour touchante entre Sean et Nathan (respectivement Nahuel Pérez Biscarat et Arnaud Valois) ; des scènes de fêtes rythmées par la superbe bande originale d’Arnaud Rebotini qui sont tous les deux des éléments qui amènent de la vitalité dans ce contexte morbide.

Mais dans cet article, on abordera plutôt ce qui m’a personnellement le plus marqué dans le film : les scènes qui mettent en avant l’action militante d’Act Up et la manière dont les malades du Sida ont tenté de se battre contre leur maladie et contre l’indifférence générale qui régnait vis-à-vis du sort des séropositifs. 

Act Up a été fondé en France en 1989, deux ans après son apparition aux Etats-Unis. Au commencement du film, l’association est déjà mise en place depuis peu de temps. Une des distinctions d’Act Up est que la grande majorité de ses militants sont séropositifs ou bien font partis de la communauté LGBT.

Dans la première scène du film, les militants d’Act Up sont en plein milieu de ce que l’on appelle une « opération coup de poing », qui est une opération brève, percutante qui a pour objectif de susciter une couverture médiatique grâce au choc qu’elle provoque : ils infiltrent ce qui ressemble à une conférence organisée par des hommes bien-pensants en costard, et jettent du faux sang sur l’intervenant. Ce type d’action est répétée au cours du film dans les laboratoires pharmaceutiques Meltonpharm qui tarde à commercialiser un médicament qui aiderait les séropositifs à vivre plus longtemps.

Ce qui ressort de ces actions, est qu’elles sont menées de manière radicale : elles ne résultent pas de négociations entre les partis, elles n’ont pas comme objectif de chercher un compromis ; ils veulent imposer ce qu’ils souhaitent et elles marquent l’espace public en le dégradant avec du sang.



On le remarque aussi dans la manière dont les militants sont traités par les forces de l’ordre : ils sont victimes d’arrestations musclées et brutales alors qu’ils sont tous pour la plupart gravement malades. D’autres associations sont représentées pendant le film comme par exemple l’association Aides, qui apparait au moment de la scène de négociation avec Meltonpharm, elle est donc uniquement présente dans les actions conformes et normalisées. On constate aussi que les membres d’Act Up veulent se différencier des autres militants et adopter une position alternative que celle établie pour les associations : les assemblées générales (AG) sont appelées des Réunions Hebdomadaires (RH) ; durant ces RH les militants participent avec des codes qu’ils ont établis (claquer des doigts plutôt que d’applaudir, siffler quand ils ne sont pas d’accord). Il y a sans cesse une volonté d’adopter une position plus radicale pour susciter de la surprise, de la colère ou encore de la désapprobation : Sean dit même à un moment « Les Pédés ne nous aiment pas ». 



 Parfois même, les actions sont si radicales, que les membres d’Act-Up eux-mêmes refusent d’y participer. Par exemple, pendant une scène de RH il est proposé que pendant la Gay Pride Act Up fasse défiler une partie des malades du Sida qui sont déjà hospitalisés, de cette façon, le fait de les voir dans un stade avancé de leur maladie choquerait.

Cette scène représente un point de rupture pour le personnage de Sean qui se désolidarise de cette action, car lui est déjà gravement atteint, et considère qu’il est déjà assez malade pour être censé susciter de l’intérêt chez les pouvoirs publics. 



Historiquement, la lutte d’Act Up a permis un renouvellement des répertoires d’actions qui jusqu’ici étaient hérités de Mai 68, et cette évolution est mise-en-scène brillamment par Romain Campillo par la richesse des actions  représentées (distribution de préservatif dans les lycées, dyings en plein milieu des rues de Paris, infiltration et dégradation des les laboratoires pharmaceutiques, cortège funèbre après la mort d’un des membres).  



Ce qui saute tout de même aux yeux est le manque de diversité quant à la représentation des membres d’Act Up , notamment les femmes qui sont mises au second plan.

Trois femmes sont présentes dans les scènes d’actions collectives : Alice (Adèle Haenel) ; Eva (Aloïse Sauvage) et Hélène (Catherine Vinatier). Elles prennent parfois part aux actions ou aux débats lors des RH, mais sont au final très peu présentes dans les dialogues, on ne sait presque rien de leur personnage : on sait qu’Alice et Eva sont a priori lesbiennes, et que Hélène est la mère de Markus qui a été contaminé lors d’une transplantation.


Les femmes étaient pourtant présentes et actives dans les actions d’Act Up, en particulier les lesbiennes, bisexuelles et transsexuelles. Alors que les femmes sont encore très peu valorisées dans le milieu LGBT, il aurait été intéressant de leur donner une place plus importante.   






120 Battements par minute est un film qui met en scène la radicalité des actions d’Act Up au travers de scènes qui mettent en avant la volonté de créer un spectacle. Les scènes de Réunions Hebdomadaires sont rythmées par des débats sur la manière dont ils se mettront en scène et par exemple concernant la Gay Pride.


Il y a plusieurs Gay Pride au cours du film qui sont un mélange de fête et de revendications, dans le sens où Act’Up et la communauté LGBT en général profite de cette occasion pour avoir plus de visibilité. La première Gay Pride montrée dans le film met en scène un spectacle de Pom pom organisé par Sean.




Tout en mettant en avant la radicalité par des actions qui traduisent la colère des militants d’Act Up qui sont aussi pour la plupart atteints du Sida, Robin Campillo montre que le militantisme passe aussi par des moments de fête, de spectacle qui ne rend pas les actions moins radicales. Les malades du Sida du film trouvent une forme de vie, malgré leur maladie au travers de ces moments d’actions collectives.  

Les moments d’actions collectives sont pour les protagonistes atteints du sida, ce qui fait battre leur cœur.  




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