Je tiens à rassurer d'entrée les plus inquiets d'entre vous : aucun de ces deux grands noms du cinéma d'animation n'est décédé. Aucun événement particulier les concernant n'est non plus à venir.
Alors pourquoi leur rendre hommage ? Nous touchons d'ores et déjà là le cœur de l'article. Tout d'abord, car il est dommage d'attendre le décès ou une euphorie médiatique pour rendre hommage au travail d'un artiste. Ensuite, car ces deux-là le méritent bien ! Ils occupent en effet l'un des emplois les plus difficiles en terme de reconnaissance, pour un réalisateur : ils créent des long-métrages d'animation Disney.
J'ai donc pensé qu'il était temps de leur rendre hommage à eux, et à eux seuls, pour des films qui ont bercé l'enfance de plusieurs générations d'enfants : Basile détective privé (1986), La petite sirène (1989), Aladin (1992), Hercule (1997), La planète au trésor (2002) ; et plus récemment La princesse et la Grenouille (2009) et Vaïana, la légende du bout du Monde (2016).
Au-delà de la renommée qu'a acquis leur travail, c'est bien sa qualité qui mérite un hommage. Pourquoi est-elle si bonne ? Quelques points d'explications :
Premièrement, le succès
Le premier signe de la qualité de leur travail est bien évidemment son succès. Ils lancent le deuxième âge d'or de Disney (Officiellement 1989-1995) avec la Petite Sirène (1989), l'entretiennent avec Aladin, et le font vivoter peu après sa fin officielle grâce à Hercule. Malgré l'échec commercial de La Planète au Trésor (2002), qui éloigne les deux compères du mythique studio d'animation pour quelques temps, leur retour au sein du studio aux grandes oreilles est un succès, critique comme commercial, avec La princesse et la Grenouille. Enfin, ils établissent un record de recettes pour une avant-première en présentant Vaïana en 2016.
Ensuite, l'audace
Si quelque chose a distingué Musker et Clements au cours de leur carrière, c'est bien leur audace. D'abord visuelle et technique : Lors de leur retour chez Disney en 2009, le studio est en pleine révolution visuelle.
En effet, la 2D traditionnelle qui a fait le succès de la souris aux grandes oreilles laisse de plus en plus sa chance à la 3D. Là-dessus, Jon et Ron n'hésitent pas à aller à contre-courant et à réaliser La princesse et la grenouille en 2D traditionnelle.
Par conséquent, on les pensait indissociable de la 2D. Et bien non ! Ils décident, avec brio ( lire « Qualité visuelle ») de réaliser leur long-métrage suivant, Vaïana, en 3D d'animation.
Mais leur audace n'est pas QUE visuelle. Elle concerne également la création de personnages et l'écriture de scénarii. Ils sont notamment les premiers et les derniers (à ma connaissance), tous supports confondus à avoir eu l'excellente idée d'adapter Hadès en personnage certes sombres, mais admirablement comique dans le même temps.
Finalement, ce qui rend leur audace admirable, c'est qu'elle a parfois même inspiré un renouveau de la manière de concevoir des longs-métrages d'animation chez Disney !
Le renouveau
Nos deux compères ont d'abord initié un renouveau en tant que scénaristes, en imaginant l'unique Taram et le Chaudron Magique (1985), Disney unique en son genre, qui rompt avec les classiques par son ton très sombre, proche parfois de l'épouvante.
Ils conservent leur plume sombre lorsqu'ils écrivent Basile détective privé. Et malgré la proximité de La petite sirène avec les normes des classiques Disney, leur vraie création de renouveau se fait dans Aladin.
Ils furent, en effet, les premiers à créer un humour transgénérationnel chez Disney, avec le personnage du génie. En ajoutant un aspect comique désiré et recherché dans leur film, ils réussissent à la fois à conserver une histoire proche des normes classiques de Disney, mais aussi à y ajouter leur patte pour un long-métrage d’animation tout à fait inédit.
Ils réussissent à nouveau cette performance dans Hercule, imposant par là une nouvelle norme dans le grand studio américain. Ils conservent cette audace jusque dans leur dernier film, dans lequel ils s’affranchissent des codes habituels de la maison, créant la première princesse Disney à ne pas trouver son prince charmant, envoyant par la même façon un beau message concernant l’affranchissement potentiel du studio face aux valeurs patriarcales qu’il a trop souvent entretenues...
Enfin, une partie de leur audace repose aussi sur la diversité inhérente à leur filmographie.
La diversité
Les films de Musker et Clements présentent d’abord, évidemment, une réelle diversité dans les univers abordés, Disney oblige : l’Arabie médiévale, Londres de la fin du XIXème, un monde sous-marin, la Nouvelle-Orléans contemporaine, la Grèce Antique, le Pacifique Sud, et un univers de pirates cosmiques....
Mais au-delà de ça, on observe aussi une réelle diversité dans leurs structures narratives : ils sont allés de l’enquête au classique comte d’un prince/d’une princesse trouvant l’amour, en passant notamment par le voyage initiatique.
Enfin, la musique de leur long-métrage, paramètre important s’il en est dans les films du studio aux grandes oreilles, est elle aussi une de leur grande réussite, et preuve d’une grande diversité : Ils expérimentent beaucoup, passant par le reggae, les airs du Pacifique Sud, ou encore le gospel !
Ainsi donc, ces deux réalisateurs, par leur esprit d’innovation, leur originalité et leur savoir-faire, ont su s’imposer à la fois comme des grands noms, et des pionniers importants pour les films à grand succès que sont les Classiques d’animation Disney.
Ces messieurs ne cherchent pas la gloire, bien à l’aise derrière la renommée du studio aux grandes oreilles. Et c’est peut-être cela qui explique le plus qu’ils méritent un hommage : Un grand talent accompagné d’une grande humilité.
Néanmoins, l’enfant en moi, émerveillé devant leurs long-métrages, mais aussi l’adulte que je suis aujourd’hui, toujours passionné par l’animation Disney, n’ont pu résister à les remercier pour le plaisir qu’ils nous ont offert.