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La Traque

Dans un village perdu en Normandie dans les années 70, on suit un petit groupe de bons camarades un dimanche de chasse. En pleine forêt, quelques-uns se retrouvent nez-à-nez avec une jeune anglaise à peine croisée la veille. L’impunité leur fait commettre l’irréparable : après avoir abusé d’elle, celle-ci se défend, blessant un de ses agresseurs, et fuit dans les bois. S’en suit alors la traque acharnée pour acheter son silence, à n’importe quel prix.




La traque est une œuvre qui prend son temps, et cela la sert. En effet, le début du métrage choque par sa certaine lenteur. En cumulant les plans de vie du groupe d’amis, on ne comprend pas bien où veut nous emmener le réalisateur. Il nous est dépeint la vie dans les campagnes françaises dans son intimité. Une scène de repas, bruyante, où se confondent les conversations.

Les hommes attablés mangent, boivent, se font servir, multiplient les conversations qui vont du ragot au débat politico-alcoolisé. On comprend que la plupart font partie de la petite classe moyenne ou ouvrière reculée, quelques-uns se distinguent puisqu’ils font partis de la petite bourgeoisie locale grâce à leur emploi de fonctionnaires. Ça se tape sur l’épaule, ça fait des blagues sur la femme du voisin, ça soupire, « roh quand même Paul t’es gonflé ! », « perds pas la main ressers-moi », les verres tintent, les gens rient.





Pourtant, peu après le début de la scène de chasse, les francs camarades ne font plus si chauds au cœur, et c’est là que réside le brio du film. Nos protagonistes, que nous allons continuer à suivre à la botte, n’ont plus rien d’agréable et encore moins de chaleureux. Ce twist dans notre appréciation des personnages principaux est ce qui fait de la Traque un film intelligent.


Mais la Traque n’est pas seulement intelligent, il est aussi dégueulasse. Après la scène d’agression (au passage très explicite, avis aux âmes sensibles), les charmants camarades se trouvent devenir les pires des ordures. De leur authenticité provinciale il ne reste que l’instinct de survie, celui qui te pousse à sauver ton cul. De leur bonhomie, il ne reste que des discours bâtards sur le besoin de s’entraider au nom d’une « fraternité solidaire », même si cela signifie se mettre à dix hommes armés contre une femme seule et blessée.


Alors se déroule sous nos yeux une traque acharnée, une chasse à la femme sans répit. La vaste forêt dans laquelle se tient l’action ne nous suffit plus pour retrouver notre souffle. Et Serge Leroy dans sa réalisation n’épargne personne : Mimsy Farmer dans le rôle de la jeune femme ne passe pas une scène sans courir, se cacher, trébucher dans les tréfonds d’un bois qui lui est inconnu.


Les hommes (Jean-Luc Bideau, Jean-Pierre Marielle, Michael Lonsdale notamment) deviennent de plus en plus violents, agacés, effrayés et s’organisent comme pendant une après-midi de chasse sur ce terrain de jeu dont ils semblent connaître les moindres recoins. Et la réalisation, les plans, les scènes sont d’une lenteur à donner la nausée, à s’en couper le souffle face à la tension suffocante à l’écran.


Si la Traque est brillamment insupportable, le visionnage ne vous fera pas passer un bon moment sans pour autant que vous le regrettiez à la fin. Proposé comme un miroir pour montrer le pire chez l’Homme, toute l’horreur du film repose aussi sur son identité : celle d’un thriller français qui se déroule dans l’intimité d’une bande d’amis d’un petit village.

Ce qui glace le sang, c’est voir jusqu’où la vanité peut nous mener, et ensuite de constater comme la peur et l’impunité peuvent pousser à des horreurs pour garder sa place au soleil.

Mais rassurons-nous : ce n’est qu’un film, après tout.


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