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La Promesse de l'Aube : une mère qui aimait trop

Éric Barbier réalise une adaptation fidèle et réussie du chef-d’œuvre autobiographique de Romain Gary. L’humour, l’excès des personnages, l’ambiance du roman… Tout est là, ni plus, ni moins, et c’est très bien comme ça.



Souvent, quand un réalisateur se propose d’adapter un chef d’œuvre de la littérature, l’excitation est mêlée d’appréhension. Souvent, à la fin, c’est la déception. Avec La Promesse de l’aube, Éric Barbier réussit pourtant son pari et Romain Gary ne devrait pas se retourner dans sa tombe. Un pari risqué, car la beauté du livre réside dans un joyeux bazar débordant d’humour, pas forcément évident à porter à l’écran. Mais de l’hiver froid polonais marqué par la pauvreté, aux douces soirées d’été à Nice, sans oublier les exploits, exagérés, de Romain pendant la guerre, tout y est.


On retrouve cette relation intense, excessive, toxique d’une mère envers son fils. Un fils plus que banal, voire un peu tâche, interprété tour à tour par Pawel Puchalski, Nemo Schiffman et Pierre Niney, qui s’efforce tant bien que mal de ne pas décevoir les attentes de sa mère. Une mère qui est avant tout une femme à la vie ratée, Nina, et qui ne vit plus que par procuration grâce aux succès qu’elle prévoit pour son fils. « Tu seras un héros, tu seras général, Gabriele d'Annunzio, Ambassadeur de France. »


La justesse de l’excès


Cet excès du personnage maternel est magnifiquement interprété par Charlotte Gainsbourg. Si son accent polonais à couper au couteau et ses emportées lyriques paraissent parfois too much, l’actrice plus habituée aux personnages discrets transmet avec justesse, et c’est là la beauté de son rôle, les excès de Nina. D’une fidélité déconcertante avec l’univers du roman, la performance ne peut qu’être saluée.


Les fans du livre regretteront peut-être même que l’adaptation n’aille pas plus loin encore. On aurait par exemple aimé voir Nina saucer la graisse de la poêle dans laquelle elle fait cuire tous les jours un steak à son fils. Un des passages les plus marquants du livre, qui symbolise à lui seul toute la subtilité de Nina, et qui a finalement disparu de l’adaptation.


L’adaptation ne serait pas réussie si Éric Barbier n’avait su retranscrire les délicieuses pointes d’humour présentes des premières aux dernières pages du roman de Romain Gary. De la subtile ironie aux moments plus burlesques, comme quand par exemple Romain découvre sa sexualité, on sourit beaucoup face au ridicule de certaines situations.


Alors certes, la mise en scène ne prend pas d’énormes risques, les lumières jaunies et les décors surchargés peuvent sembler vieux jeu, mais l’essentiel est ailleurs. Comme dans le livre, on sourit, on rit, et on finit par blêmir quand la réalité, la mort, rattrape la fiction. Romain Gary avait raison et Éric Barbier l’adapte magnifiquement bien: l’amour maternel nous fait bel et bien, à tous, « une promesse qu’elle ne tient jamais. »


Valentine GRAVELEAU.


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